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Mis en ligne le 12 mai 2020

2020 - A propos du 8 mai 1945 par Jean Noël Parpillon

Délégué général honoraire du Souvenir Français de Savoie

Ce vendredi 8 mai 2020 les cérémonies du 8 mai 1945 n’ont pas eu  lieu, sinon en format très réduit,  comme l’impose l’application des dispositions relatives au confinement.

Tout le monde peut le comprendre.

Profitons-en cependant pour rappeler à toutes fins utiles ce que représente le 8 mai 1945, et comment cela s’est passé dans le détail. 

Capitulation et non pas armistice

Tout d’abord en précisant qu’il ne s’agit pas d’un armistice comme trop souvent encore dit ou écrit, mais d’une capitulation. Un armistice ne fait que suspendre les hostilités, ce qui, laisse entendre qu’elles peuvent reprendre ; la capitulation au contraire stipule que l’armée vaincue se rend au vainqueur. En 1945, la capitulation est « sans condition » c’est-à-dire qu’il n’y a pas de négociation, d’aucune sorte, entre le vaincu et le vainqueur. Dans le cas présent, c’est à Casablanca le 24 janvier 1943 que Roosevelt et Churchill en décident ainsi.

La guerre n’est pas finie à l’occasion de cette capitulation

Il est souvent dit que le 8 mai marque la fin de la seconde guerre mondiale. Il faut être plus précis. Dès 1943, l’Italie fait défaut à l’axe italo-germanique passé entre Mussolini (fasciste) et Hitler (nazi). Le Roi d’Italie fait arrêter Mussolini en juillet 1943. Le dictateur sera  ensuite libéré par les Allemands et fondera sa pseudo République sociale dite de Salo. Les allemands sont toujours présents dans le Nord de l’Italie alors que les alliés, notamment américains, anglais, et Français du C.E.F. (Corps Expéditionnaire Français commandé par le Général Juin) sont arrivés à Rome. Le 29 avril 1945 est signée à Caserte, sans que les alliés Soviétiques n’en soient au préalable informés,  une première capitulation sans condition entre les allemands présents en Italie et les américains. Puis ce seront deux capitulations partielles demandées par les allemands en Allemagne du Nord et en Hollande, là encore à l’insu des Soviétiques. Le général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées, rectifie alors le tir et obtient de Churchill qu’aucune autre capitulation ne puisse  intervenir,  sauf la reddition générale de l’ensemble des forces allemandes quel que soit le front, donc y compris le front de l’Est tenu par les Soviétiques. Puis signature de celle du 8 mai 1945 remise par les allemands entre les mains des alliés occidentaux et l’Union Soviétique.  Après le 8 mai, il faut encore attendre, qu’après deux bombes atomiques américaines sur le Japon,  et la déclaration de guerre de l’URSS au Japon, n’intervienne la capitulation nippone du 15 août 1945. Ce n’est qu’en 1947, par le traité de Paris avec les anciens alliés européens de l’Allemagne, que la Paix revient enfin. 

Les français sur deux fronts

Il est souvent oublié de préciser que les français, à travers la 2ème D.B. (Division Blindée du Général Leclerc) et la Première Armée Française commandée par le Général de Lattre (qui lui donnera le nom de Rhin et Danube),  font en effet partie des troupes alliées qui progressent vers le Rhin,  libèrent Strasbourg, et tentent dans le même temps en avril  de réduire sur la côte atlantique où ils sont dépêchés la poche de Royan, reviennent de l’ouest en urgence et contribuent à déjouer la contre-offensive allemande  des Ardennes. Mais, ce qui est souvent passé sous silence, c’est qu’une partie des troupes a été prélevée après Strasbourg  pour combattre sur le front des Alpes dans le D.A.A. (Détachement d’Armée des Alpes, créé le 1er mars 1945 et placé sous les ordres du  Général Doyen) avec, au nord, la  27ème  Division Alpine avec  le futur Général Valette d’Osia, et au sud la 1ère D.M.I. - Division d’Infanterie de Marche - qui conserve,  en nom d’usage, son appellation historique :  la Première Division Française Libre,  commandée par le Général Garbay successeur du chef mythique  de la D.F.L. tué un peu luis tôt dans les Vosges, le général et écrivain Diégo Brosset.  

La frontière franco italienne comme enjeu

1 Gl Doyen
Le général De Gaulle, chef du G.P.R.F. (Gouvernement Provisoire de la République Française) a, depuis 1942, du fil à retordre avec les américains qui le considèrent

comme un  intrigant, ceux-ci ne l’ayant finalement officiellement  reconnu qu’à l’été 1944, à l’occasion de la Libération de Paris. De Gaulle défend l’idée, non seulement de reprendre quelques parcelles annexées par l’Italie en 1940 mais aussi de corriger la frontière telle qu’elle résulte du traité de Turin de 1860, notamment pour donner satisfaction aux populations  qui revendiquent d’être rattachées à la France. Le 31  mars le D.A.A. déclenche une offensive au Petit Saint-Bernard et au Mont-Cenis au nord, et,  au sud dans le massif de l’Authion (Alpes-Maritimes). Le 25 avril,  il pénètre dans le Val d’Aoste.

Le 24 avril De Gaulle réaffirme la position de la France dans un télégramme au général Doyen : « La région des 6 communes jusqu’au col de Tende inclus et la région de la Basse Roya y compris Vintimille doivent être assurées à la France. Ces régions une fois enlevées à l’ennemi seront placées jusqu’à nouvel ordre sous l’autorité du général commandant le détachement d’armée des Alpes qui en assurera l’administration.(…) ».

Et le 4 mai 1945, nouveau télégramme au Général Doyen : « Il y a urgence à occuper le Val d’Aoste entièrement (…) D’autre part, il y aurait grand intérêt à ce qu’un détachement français se rendit à Turin, ne fut ce qu’à titre symbolique, puisque Turin fut le théâtre du soi-disant armistice franco-italien de 1940 »

Le rapport de force est à deux doigts de se transformer en  conflit armé avec les américains. 

Mai 1945 : deux capitulations pour une victoire

En avril 1945,  les alliés occidentaux d’un côté, les soviétiques de l’autre, (ils sont les  premiers à entrer dans Berlin) sont en situation d’imposer leur volonté à l’Allemagne. Hitler se suicide le 30 avril. 

Dès le 3 mai, le gouvernement français désigne le Général de Lattre de Tassigny pour signer, au nom de la France, l’acte de capitulation et la déclaration de cessation des hostilités. Les ambassadeurs de France à Londres, Washington et Moscou en sont informés avec mission de notifier l’information aux gouvernements de ces pays alliés.

Le 7 mai : première signature à Reims

2 GL SEVEZ
L’amiral Dönitz, dauphin intronisé par Hitler, désigne pour se rendre à Reims le 6 mai  le général Jodl, chef d’Etat-major de l’armée allemande un dur opposé à toute capitulation générale, car il veut jouer la carte des occidentaux contre les soviétiques. La fermeté d’Eisenhower ébranle Jodl dans ses prétentions et Dönitz donne son accord pour la signature allemande. Celle-ci a lieu le 7 mai en pleine nuit. La France est présente,  représentée par le général, Bourgetain* Sevez, remplaçant le Général Juin,  Chef d’Etat-major de la Défense Nationale française, alors retenu par la Général Sevez conférence de San-Francisco. De Lattre, trop éloigné, quoique désigné officiellement par De Gaulle pour être le moment venu à la table des négociations est trop loin de Reims. Il en est  privé de fait. Il écrira : « Sans jalousie,  j’estimais que je venais d’être privé de la plus fière satisfaction que puisse jamais connaitre un soldat ».

Par son télégramme de Paris du 7 mai, De Gaulle tente d’atténuer la déception du commandant de la Première Armée Française : « Le premier acte de capitulation en campagne a été signé par le général Bedell Smith avec les plénipotentiaires allemands le 7 mai à 0 h 01. Le général Eisenhower a invité à participer à la signature le général Souslaparof, représentant le front de l’Est, et le général Sevez  afin d’assurer à l’armée française une représentation symbolique. Le général Sevez  m’en ayant référé, je l’ai chargé de signer la capitulation. Etant donné le grade et la

personnalité du général, Bedell Smith et puisque Montgomery ne signait pas,  il n’aurait pas convenu que vous fussiez derrière Bedell Smith. A tout prendre, je pense qu’il est mieux d’être le vainqueur que le signataire. Amitiés »

Le 8 mai : seconde signature à Berlin

Général De Lattre
La seconde signature, le lendemain au PC de Joukov à Berlin, permet la présence effective des Soviétiques pour le front de l’Est, à la France d’être représentée par De Lattre, et de mettre un terme aux tentatives  allemandes de diviser les alliés de l’Est et ceux de l’Ouest. Il y a aussi sans doute pour Staline, qui a fait,  tomber Berlin l’affirmation d’une certaine prépondérance de l’URSS dans la victoire. C’est Keitel qui conduit la délégation des trois armes allemandes. Sa stupeur à voir la France représentée et son drapeau accroché à la panoplie est restée dans les annales.               

Cette fois-ci, c’est bien le Général de Lattre qui signe pour la France comme témoin, après avoir exigé que le drapeau tricolore soit lui aussi soit accroché (il ne l’était pas dans  un premier temps). Dans son télégramme du 7 mai  à De Lattre, De gaulle insiste pour qu’il  « exige des conditions équivalentes à celles qui seront faites au représentant britannique » sauf le cas, qui ne se vérifiera pas, où l’anglais aurait signé à la place de l’américain. Seuls le représentant d’Eisenhower, Tedder, et pour l’Armée Rouge Joukov signent comme parties contractantes. 

La victoire est acquise

4 AFFICHE
Dès le 8 mai De Gaulle annonce à la France la victoire par allocution radiophonique. 

Quelques extraits :

« La guerre est gagnée ! Voici la victoire ! C’est la victoire des Nations Unies et c’est la victoire de la France ! L’ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées de l’ouest et de l’est. Le gouvernement français était présent et partie à l’acte de capitulation. ( …). 

L’Allemagne est abattue et elle a signé son désastre. Tandis que les rayons de la gloire font, une fois de plus, resplendir nos drapeaux, la patrie porte sa pensée et son amour, d’abord vers ceux qui sont morts pour elle, ensuite vers ceux qui ont, pour son service, tant combattu et tant souffert ! Pas un effort de ses soldats, de ses marins, de ses aviateurs, pas un acte de courage ou d’abnégation de ses fils et de ses filles, pas une souffrance de ses hommes et de ses femmes prisonniers, pas un deuil, pas un sacrifice, pas une larme n’auront donc  été perdus ! Dans la joie et la fierté nationale, le peuple français adresse son fraternel salut à ses vaillants alliés, qui, comme lui, pour la même  cause que lui, ont durement, longuement, prodigué leurs peines, à  leurs héroïques armées et aux chefs qui les commandent, à tous ces hommes et à toutes ces femmes, qui, dans le monde ont lutté, pâti, travaillé, pour que l’emportent, à la fin des fins, la justice et la liberté ! Honneur ! Honneur pour toujours ! à nos armées et à leurs chefs ! Honneur à notre peuple, que des épreuves terribles n’ont pu réduire, ni fléchir ! Honneur aux Nations Unies qui ont mêlé  leur sang à notre sang, leurs peines à nos peines, leur espérance à notre espérance et qui, aujourd’hui, triomphent avec nous !

 Ah ! Vive la France ! »

 5

Puis le 15 mai 1945, le Général de Gaulle prononce le discours de la victoire devant l’assemblée consultative qu’il serait trop long de citer intégralement  ici. Retenons cet hommage aux combattants et aux victimes : (…) « Il est vrai qu’à chaque pas de la route vers la victoire l’exemple de ceux qui succombaient venait exalter les vivants. Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines, marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l’océan, aviateurs précités du  ciel pour être brisés sur la terre,  combattants de la Résistance tués aux maquis  ou aux pelotons d’exécution, vous tous qui, à vote dernier souffle, avez mêlé le nom de la France, c’est vous qui avez exalté les courages, sanctifié l’effort, cimenté   les  résolutions. Vous fûtes les inspirateurs de tous ceux et de toutes celles qui, par leurs actes, leur dévouement, leurs sacrifices, ont triomphé du désespoir et lutté pour la patrie. Vous avez pris la tête de l’immense et magnifique cohorte des fils et des filles de la  France qui ont dans les épreuves attesté sa grandeur, ou bien sous les rafales qui balayaient les champs de bataille, ou bien dans l’angoisse des cachots, ou bien au plus fort des tortures des camps de déportation. Votre pensée fut, naguère, la douceur de nos deuils. Votre exemple est aujourd’hui, la raison de notre fierté.. Votre gloire sera,  pour jamais, la compagne de notre espérance. (…) »

Sa conclusion est tournée vers l’avenir : « (…) le terme de la guerre  n’est pas un aboutissement. Pour la IV° République, il n’est qu’un point de départ. En avant donc pour l’immense devoir de travail, d’unité, de rénovations ! Que notre nouvelle victoire marque notre nouvel essor ! »

 

Vive de Gaulle 6

              

*En mai 2021, Jean-Noël Parpillon proposera au Bourget-du-Lac, en lien avec l’association des Anciens Combattants er le Comité du Souvenir Français,  une conférence sur  le Général Sevez.

 

Références : 

  • Général de Gaulle.- Mémoire de guerre, Le Salut, 1944-1946.- Plon, 1959
  • Charles de Gaulle.- Lettres, notes et carnets, juin 1945-mai 1945.- Plon, 1991
  • Maurice Vaisse.- La France présente aux capitulations.- Espoir, N° 102. 1945-1995. 1. De Gaulle et ma victoire, pages 35-41